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Ma langue est-elle dans l’vinaigre?

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MA LANGUE EST-ELLE DANS L’VINAIGRE?

Tenez, une petite histoire vraie…
Comme je suis en congé aujourd’hui vendredi, j’en profite pour me faire une petite liste et aller faire mes courses tout près de chez moi, dans Ville-Marie (le Faubourg à m’lasse du dit-nommé, anciennement Le Village), à pied évidemment. Il fait doux, allons écouter les sons de la ville…
Après tout, on est dans l’Est de Tremblay…
Il est midi 21, on part!

Premier arrêt à la boutique Animal Expert sur De Maisonneuve est pour acheter des boules en laine dont mon chat raffole – il les bouffent jusqu’au trognon du centre en plastique avec le grelot, une expérience en soi, et me la rapporte au moins 300 fois par semaine- juste devant moi, la caissière sert un client dans un anglais tellement parfait que ça me fait mal au cœur (alors que ça devrait me réjouir. En vérité, j’oscille entre les deux sentiments). Je fais quelques blagues sur la langue française lorsqu’elle me sert, et la « complimente » même sur son parfait accent :
« On se croirait à New York » lui dis-je…
Elle me fait un énorme sourire et s’esclaffe.
Mon ironie ne semble pas frapper aussi fort que je l’aurais cru. Pour elle, on demeure dans le compliment, je pense. Le client, qui remplit son sac, m’a entendu, mais n’a aucune réaction.
M’a-t-il compris? Aucune idée…
Je quitte avec mes trois boules, il est midi 45.

Je continue jusqu’au Marché du Livre (au coin de St-Hubert), ma librairie préférée parce que je m’y sens bien (c’est la dernière à des lieux à la ronde) et qu’en plus, ils me donnent un escompte de 10% sur mes achats! Je fafouine discrètement avant d’aller chercher les livres qui me ressourceront (parce qu’ils ont toujours ce que je cherche donc pas de stress, je regarde tout), je le souhaite et, à la caisse, une cliente discute avec le libraire en anglais puis change pour le français avec un gros accent…
« Quand même… » me dis-je, seul avec ma liste…
Je pars avec « La Prison de l’Urgence » de JJ Pelletier et « Nouveau Projet no4″.
Coïncidence?
Nous en sommes à 13h01…

Bifurquant vers Ste-Catherine est, sur la rue calciummée, je croise des badauds, encore de l’anglais (des jeunes), un peu de français et du créole (des gars de gangs de rue haïtiens qui s’affrontent pour une fille qui fait la pute probablement, au coin de St-Timothée -heureusement, je comprends assez bien le dialecte- et question de sécurité, Mwen pral fè yon detou -je fais un p’tit détour).
Il n’est pas loin de 13h14…

J’arrête chez Albatroz pour aller chercher un grand drapé qui recouvrira mon sofa. En entrant, la jeune vendeuse discute avec un homme, en anglais. Elle vient me servir et comme je suis de bonne compagnie (et en congé en plus), je blague et là, l’homme me répond dans un français impeccable (sans accent) et elle de même (avec un tout petit accent tout au loin). Je passe à un poil de cheveux de faire un commentaire (comme ceux chez Animal Expert) mais je me tais. Pourquoi, aucune idée. Ils continuent à discuter ensemble, passant majoritairement de l’anglais au français. Je suis à ça de leur demander pourquoi ils dansent entre deux langues? Mais je n’en fais rien.
Rien.
Ma montre de poche indique 13h30…

Direction la SAQ juste à côté où là, je suis en terrain connu; une jolie rousse avec qui je discute sur la lenteur de son ordinateur. Rien à signaler de ce côté. Un Conti, un Chenin blanc…
13h42, je me sens vieux…

Dernier arrêt de mon court périple à ma fruiterie Tutti Gourmet sur de Maisonneuve est pour le reste de ma liste, du café en vrac, du jambon et on verra… F…, l’autre jolie rousse et francophone dans le début vingtaine, est à la caisse aujourd’hui et parle elle-aussi en anglais à un client puis ensuite, avec un des patrons. Encore là, je me tords pour ne rien dire car j’ai déjà fait un commentaire sur cette situation il y a plusieurs mois et elle m’avait répondue :
« Y’a rien là. On passe de l’une à l’autre, pas de problèmes ».
En fait d’identité nationale, on repassera.
Il est déjà 13h55…

J’arrive chez moi, idéalement fourbu, déposes mes sacs et vais au dépanneur du coin de la rue Logan pour acheter de la bière; en entrant, mes amis chinois parlent le mandarin, me saluent en français approximatif (et je salue leur effort) et moi, en quittant j’ajoute, le fou;
« Xie Xie! »

*****
Je viens de passer 101 minutes dans mon quartier, à Montréal.
Je ne sais pas trop comment réagir, je me sens comme ben seul.
Pas à genoux, ni égocentriste, ni replié sur mon identité, mais juste un parmi tant d’autres, chez moi.
Bizarre de sensation.
Très bizarre.

Depuis les années 90, l’effet de mode de l’anglais partout devrait être passé, mais il semble bien que non. Il semble prendre de la vigueur et même de l’ampleur. Sans que cela ne gêne personne.
J’aime bien les langues, toutes.
J’en parle ou balbutie au moins cinq avec un grand plaisir et une certaine fierté.
Mais j’aime encore mieux ma langue, dans ta bouche.
Je sais.
C’est personnel.
Mais j’aime le français.
Comme je t’aime aussi.

Des fois, j’ai l’impression d’être à Paris.
Mais il manque toujours un p’tit quelque chose…
Comme le français.
Comme à Paris.

****

Plumo Paranto
Ville Marie
vendredi 31 janvier 2014
©Plumo2014

Ps: tout est véridique, j’ai même les factures.
Thanks for your patronage!


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